L’imaginaire corporel, esquissé de nos jours par les sciences (notamment la biologie, la microbiologie, et la médecine), entretient un rapport inédit avec notre environnement artificiel et les objets du design contemporain. Ces derniers seraient-ils aptes à traduire notre imaginaire corporel, en seraient-ils les prolongements ? Quelles conséquences un glissement de territoire de l’organe à l’objet peut-il avoir sur les pratiques du design ?
Les micro-organismes, le grouillement cellulaire et la prodigieuse production filamenteuse des enzymes ou de l’ADN élaborent un nouveau rapport au corps. Un paysage corporel se manifeste dès lors qu’il n’est plus confiné à un espace interne ; ce paysage s’imprime, ou plus exactement il s’exprime au travers des objets, constituant ainsi un rapport intime entre notre organisme et nos artefacts. Les pratiques des designers donnent à l’organisme une possibilité d’extension grâce à un nouveau vocabulaire plastique de l’objet, faisant ainsi de ce dernier davantage un organisme qu’une chose inerte.
La pratique de l’organoplastie, qui est de prime abord l’art de transformer artificiellement le vivant, provoque une confusion, puisque de fait, nous ne savons plus si c’est la technique qui transforme le vivant ou bien si c’est le vivant qui est en instance de transformer la technique. L’organoplastie se trouve donc être au point de chancellement où la genesis et la technè se rencontrent, où notre monde artificiel ne s’oppose plus au monde vivant.
Cette confusion entre l’organe physiologique et l’objet organique nous amène à poser la question d’un « art du soin » comme méthodologie thérapeutique de la création en design. La greffe, l’hybridation, la prothèse – vocabulaire emprunté aux techniques médicales – deviennent des pratiques de création révélatrices d’un transfert aussi bien technique que sémantique. Ces gestes, ces procédés créatifs font émerger des pratiques de création, chargées d’un réel désir de soin dans la conception de notre monde artificiel.
R. Andrès